Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/88

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heures fatigués, brûlés du soleil, se traînant à peine. Que s’étaient-ils dit dans ces courses ? Amaïdée était plus abattue, son œil plus vague, sa bouche plus dégoûtée, son front plus ennuyé. Mais Altaï ne changeait pas ; il avait toujours cette sérénité désespérante, ce front et ces yeux usés de bonne heure et où il ne restait plus de place que pour le génie. Rien ne vainquait cette patience sublime. Elle le mettait en dehors de l’existence. Il ne passait point de l’intérêt à l’ennui comme les autres hommes, comme Amaïdée. Seulement, si l’ennui lui manquait, nul intérêt ne le soutenait non plus.

Si Altaï avait appris qu’un pêcheur fût malade ou dans la détresse, il allait le visiter avec Amaïdée, et ils lui prodiguaient tous les deux les secours dont il avait besoin. Il aimait à voir cette femme, qu’il voulait relever par les jouissances idéales et vertueuses des abaissements du passé, se passionner divinement à faire le bien. Mais, le seuil passé, les larmes qui avaient resplendi dans les yeux de la femme se séchaient sous je ne sais quel souffle aride, qui effaçait la larme répandue mais qui n’en tarissait pas la source. Chez cette âme bonne et énervée, les