Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/108

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un doux et soupirant souffle de leurs narines épanouies.

Allan, la tête entourée d’un bandeau, les joues écarlates, les yeux troubles et à moitié fermés, était plongé dans la somnolence de la fièvre qui le reprenait vers le soir. Il y avait à peine vingt-quatre heures que le médecin répondait de la vie du malade. Grâce à la surveillance de madame de Scudemor encore plus qu’aux soins du médecin, il était sauvé. Le silence régnait autour de lui. Tout se taisait alors, dans la campagne muette comme dans la chambre assoupie. Pas un bruit ne venait du dehors, et, au dedans, on n’entendait que le frôlement du rideau blanc d’Allan à chaque haleine du vent brûlant qui passait par la fenêtre ouverte.

Yseult de Scudemor était à son poste de sollicitude et de dévoûment. L’inquiétude et les veilles l’avaient déjà maigrie. La tristesse qui l’avait saisie au danger d’Allan enténébrait toujours son grand front pâle. Pourquoi le Calme n’est-il pas toujours serein ?… Pourquoi la mer, après les tempêtes, conserve-t-elle, au jour qui resplendit, encore un aspect annuité ?… C’est que, la tempête finie, le ciel a des nuages presque tous les jours. C’est que la Pensée a, comme la Tristesse, de grandes ailes noires qu’on ne voit pas, et qui projettent aux fronts rassérénés autant d’ombre que si elles étaient visibles.

Madame de Scudemor était assise au chevet du malade mais le rideau qui tombait l’aurait empêché de la voir. Elle avait les bras croisés sur son beau et inflexible corsage. On ne pouvait pas dire qu’elle rêvât. Les figures rêveuses pèchent toutes par l’expression, et celle de madame de Scudemor ne s’émoussait jamais dans les attendrissements obtus d’une rêverie. Elle apercevait, à travers