Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/122

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Les autres, les mille autres qui suivirent, ruisselèrent jusque sur les épaules comme une pluie cinglante. Il n’interrompait ses dévorements de caresses que pour la regarder avec des yeux plus doux qu’un rêve. Pourquoi donc la caresse commence-t-elle et finit-elle par un regard ? — « Ah ! je t’aime, je t’aime ! — répétait-il avec une voix qui n’avait plus de timbre, — ne m’aime pas, mais laisse-moi t’aimer ! » — Et, noué à elle à double étreinte, il la renversa sur le divan. Elle y tomba, résignée, plus noblement que la Romaine qui drapait sa tunique, à l’heure suprême, pour plus chastement mourir. En voyant cette femme sans résistance, qui aurait cru que se livrer ainsi était un dévouement ineffable qu’aucun battement de cœur ne suivrait pas ?… Une seule fois l’amoureux Allan ne tiédit cet épiderme de la contagion des jouissances dont il se repaissait alors. Au sein de cet amour dans lequel une autre femme se serait noyée et perdue, et qui ne lui renvoyait même pas une goutte rafraîchissante à son front lassé, madame de Scudemor ressemblait au plongeur sous sa cloche, dans l’Océan. Premiers et incomparables transports de la possession ! La sensation est indivisible et l’homme s’absorbe dans une formidable unité. Sans cela, qui achèverait le calice si la liqueur à moitié bue était sans parfums et glacée ?

 
 
 
 

— Oh ! tu es à moi, maintenant ! — dit-il après un long silence, comme s’il sortait d’un évanouissement. — Tu es bien à moi !… — et il la souleva. La tête de madame de