Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/139

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des mares chaudes de soleil. Ils étaient là tous, bruyants, criant, avec leurs mouvements de vif argent et leurs vêtement déchirés, offrant au regard leurs magnifiques carnations normandes, faites avec du pain bis, leurs joues rebondies et rayonnantes de l’écarlate sans crudité des feuilles rougies par l’automne. Il était curieux de les voir se taire tout à coup, à l’approche de Camille, et retourner leurs grosses têtes où pelotonnaient des boucles brunes ou blondes et suivre avec étonnement, de leurs yeux lumineux, cette petite fille arrêtée un instant à les regarder, elle si pâle, si triste, et si seule. Eh quoi donc ! ces enfants sentaient-ils obscurément, comme leurs pères, qui avaient passé par là le matin même, qu’il pouvait y avoir en cette petite une misère qui n’était pas la leur et en présence de laquelle l’égoïste nature humaine oubliait l’envie pour ne se souvenir que du respect ?