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XVII

Parmi les inexprimables besoins dont languissent ici-bas les créatures finies qui s’y agitent, il en est un dans lequel peut-être tous les autres se fondent engloutis. C’est un mystère comme toute la vie. C’est une mélancolie comme tous les sentiments du cœur. C’est un désir comme l’homme tout entier. Les êtres les plus forts l’ont senti se glisser dans leur force pour la faire craquer par moments, et les êtres faibles, cette race nombreuse et gémissante, le gardent éternellement au fond de leur faiblesse encore plus découragée. Il apparaît dans tous et demande à tous : aux hommes de génie quand ils sentent leur tête trop pesante pour la porter seuls et qui voudraient des genoux de femmes pour la soutenir, dignes coussins de cette couronne de roi, — aux hommes de courage qui souhaiteraient pourtant que cette lèvre aride fût rafraîchie, que ce front en sueur fût essuyé. Ce n’est point l’amour. Ah ! ne le croyez pas ! Quoiqu’il ressemble à l’amour, il est plus pur, et l’amour ne l’a pas toujours satisfait. Souvent il le précède ; plus souvent encore il le suit. C’est le besoin de l’intimité.

Non, l’amour qui produit l’intimité ne la vaut pas, et l’enfant est plus beau que la mère. Elle n’a pas ce terrible