Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/151

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et impétueux caractère qui brise la vie, comme le bonheur de l’amour. Miséricorde infinie, qui a mis au souffle d’une bouche humaine la puissance de dissiper les nuages qui relèvent, de nos cœurs inquiets, à nos fronts ! Fait bien simple et dans lequel respire toute l’intimité ! C’est « balaye-moi tout ce flot de noires pensées qui m’inondent, ô ma chère âme ! », une main prise, — pas même une main prise, un regard, — pas même un regard, mais se savoir là tous les deux, et le cœur jouit et se repose, et c’est assez ! assez pour les aspirations éternelles de cette difficile humanité !

Du moins, on aurait pu penser que, si les délires de l’amour d’Allan n’avaient pas été partagés, la vie intime ne lui manquerait pas et que cette grande berceuse des âmes, qui les endort avec des riens délicieux, apporterait quelque rafraichissement à la sienne. Mais il y a des destinées tellement arides que le brin d’herbe et la goutte d’eau manquent également au sable dont elles sont faites. Allan, désespéré par madame de Scudemor, ne pouvait trouver de soulagement dans sa liaison avec elle. Elle lui était trop supérieure pour que la confiance de l’intimité pût s’établir entre eux. Quoi de plus redoutable que la supériorité dans les affections ? Aigle qui s’est trompé d’aire, qui déchire les oiseaux transis et réchauffés sous sa grande aile comme si elle lui avait été donnée pour les abriter !

Il craignait, quand sa tête était froide et qu’il se mettait à réfléchir, le mépris de madame de Scudemor. Profonde ignorance de la nature des femmes, dans cet enfant ! Quand on souffre par elles, elles ne méprisent pas, si petit qu’on soit. La comtesse de Scudemor, le type de l’entraînement, de la passion, de la faiblesse, de la femme toute entière, et qui, grâce à une organisation de choix et à une intelligence