Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/28

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très hardies à ceux qui n’ont pas l’air de tenir les siennes en grand respect ? Il faut être si osé pour cela ! Mais, cette assertion hasardée on n’aurait guère pu la justifier par des faits. Dans le monde, la comtesse Yseult de Scudemor avait l’habitude de ne se mêler à la conversation que quand elle roulait sur des sujets généraux et vagues. Agissait-elle ainsi par mépris ou par indolence ? Avait-elle peur de trahir, dans l’entraînement de la causerie, quelque pensée ou quelque sentiment, et d’entr’ouvrir ainsi une perspective sur sa vie passée ? On ne savait, et l’imposance de toute sa personne était telle qu’elle eût dérouté, du premier coup, le plus insolent observateur.

Mais, pour qu’il en fût ainsi, la comtesse de Scudemor ne faisait aucun effort sur elle-même. Toute sa personne avait cette expression patricienne qui respirait dans ses traits tranquilles. La moindre contraction ne s’y montrait pas. Elle n’avait ni dédain, ni langueur. Ses manières — les manières, qui sont les attitudes de l’esprit comme les attitudes sont les manières du corps, — étaient lentes jusqu’à la nonchalance, mais elles n’étaient pas nonchalantes. Son parler sobre et ses expressions presque sans couleur seyaient à sa voix aux trois quarts éteinte… Imagination, sans doute, comme toutes les femmes, mais qui s’était endormie, la tête sous son aile, à ces fatigantes cinq heures d’après midi dans la vie, et que le monde ne réveillait pas de son assoupissement. Elle était toujours vraie avec les autres, mais de la vérité des insignifiances, car on a besoin de l’intérêt d’un sentiment quelconque pour être faux. Ce qui frappait le plus en madame de Scudemor, c’était un calme, pour ainsi dire, immense. Quand son sérieux ordinaire se fondait, au souffle de quelque mot