Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spirituel, au contact de quelque approbation gracieuse et légère, dans un sourire rare et tari aux contours de la bouche offensée par une ride déjà perceptible, ce sourire ne semblait pas toucher au calme sur lequel il passait rapide… L’eau parfois ondule aux lacs les plus aplatis, sous le pied trop rapproché d’une mésange qui vole le long de leur surface unie, mais à cette glace plutôt qu’à ce lac, à cette glace immobile, rien n’était pied de mésange et le cristal plus solide ne s’entamait pas… Alors il y avait, beaucoup plus dans la façon de dire de madame de Scudemor que dans ce qu’elle disait, une amabilité ineffable. Et c’était le mot, puisque cette amabilité ne se parlait pas. Cependant, d’insaisissables nuances en elle n’auraient pas dû s’y révéler, car ses traits faits si bien pour exprimer l’énergie, la force reposée qui coulait de son beau front à ses pieds nerveux, dignes de s’appuyer sur un socle, éloignaient d’elle toute idée de vague rêverie, exilaient d’elle toutes les angéliques spiritualités de la poésie, mélodie de harpe qu’un pouvoir inconnu tire parfois d’un instrument de cuivre, brumes mélancoliques d’un soir avancé à travers lesquelles un dôme de bronze peut perdre de son austérité rigide !

Mais les gens du monde ne se rendaient pas compte, si elles existaient, de ces finesses de contraste que des observateurs exercés auraient pu seuls apercevoir dans madame de Scudemor. Les hommes passent auprès d’une femme de l’âge de la comtesse, parmi toutes celles que l’on rencontre dans le monde, comme auprès d’une plante parmi cent autres. Il n’y a que la fleur qui marque des différences aux yeux de ces botanistes grossiers. La fleur fanée, ce ne sont plus que des feuilles vertes, sur lesquelles