Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/283

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VIII

Cependant la vie sembla redevenir ce qu’elle était pour Allan et Camille, mais avec un caractère plus ardent et plus concentré. Chaque jour précisait la passion davantage. Elle commençait à sortir de l’inconnu où jusque-là elle avait été diffondue. Mer montante, vague sur vague dont on entend les lointains murmures derrière la montagne qui en sépare et sur les sommets de laquelle elle apparaît un jour, lumineuse, dominant enfin ces plateaux, opiniâtrement envahis !

La lettre d’Allan avait entièrement calmé les terreurs de Camille. Elle le plaignait de cette disposition défiante dont il ne lui avait jamais parlé, et qui maintenant expliquait pour elle bien des tristesses. Que son amour triomphât ou non des défiances de son frère, ce lui était une raison de plus pour l’aimer davantage. Ah ! quand on aime, tout, hélas ! est une raison de plus !

« Je veux faire mentir ses pressentiments, » se disait-elle ; et, en effet, son regard, sa voix, sa main quand elle la posait dans la sienne, tout son être enfin respirait tellement l’amour que celui qui l’aimait ne pouvait pas avoir une crainte. Madame de Scudemor n’aurait pas pu soup-