Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/338

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XIII

En quittant sa mère, Camille retourna vers Allan, dévoré de honte et d’inquiétude en pensant à ce qui allait suivre, et comme toutes ses craintes, à elle, étaient balayées de son âme, elle lui demanda pardon de ses défiances comme elle avait demandé pardon à sa mère de la violence de ses soupçons et de la brutalité de ses aveux. Tel est le cœur humain. S’humilier ne coûte pas quand on a joui des bénéfices de l’offense ; mais si l’offense avait été stérile ou si elle eût conduit à la découverte que l’on craignait, la générosité du repentir ne serait pas venue et on aurait eu imperturbablement tous les torts.

« Je serai donc ta femme, — disait Camille à Allan, — ma mère me l’a promis, — et notre vie recommencera d’être heureuse. » Illusion dernière, débris d’une foi ruinée en quelques jours et avec lequel on ne reconstruit pas d’édifice ! bouquet d’hier replacé sur le sein qu’il avait embaumé, mais dont les parfums sont évanouis ! Camille n’avait pas encore l’expérience de son propre cœur. Elle croyait pouvoir raviver cette fleur délicate qui périt si vite dans notre âme, et qui s’appelle la foi dans l’amour. Hélas ! les racines de la plante mystérieuse séchaient déjà au