Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce jour-là, comme si elle avait fait une découverte.

Ah ! plaignez Allan davantage encore ! La volupté le trahissait comme l’amour. Jusqu’ici toutes les caresses dans lesquelles il avait trahi la vérité de son âme avaient été de vraies caresses ; maintenant, non. Il s’acculait aux turpitudes du mensonge à froid. Que s’il y pliait sa fierté tant de fois humiliée, c’est qu’après tout, cette femme, il l’avait aimée ; c’est qu’il avait juré devant Dieu de la rendre heureuse ; c’est qu’elle valait mieux que lui ! Mais la générosité ne saurait durer quand il faut feindre. Et, d’ailleurs, à quoi servirait-elle ? Camille était dupe de l’apparence ; mais quand les vies sont rapprochées et qu’on aime, est-il possible de l’être longtemps ?

Maintenant qu’Allan se détachait de plus en plus de Camille, sa pensée se retournait involontairement, comme dans sa nuit de noces, vers les temps où il avait aimé Yseult. Placé entre ces femmes, il sentait le néant l’atteindre à travers toutes les deux. Yseult ne l’interrogeait pas plus que Camille. Ils vivaient donc, tous trois, leur vie à part, sentant que tous ces liens de famille qui les unissaient avaient une rupture imperceptible et secrète.

Il y avait donc moins de mouvement que jamais dans ce marécageux château des Saules. Des paroles douces et amies dites avec des voix froides ou menteuses, un embarras presque visible, la peur de se blesser, voilà ce qu’accusaient les relations de chaque jour. Il fallait voir toutes ces journées se traîner lentement, les unes sur les autres, sans amener le moindre changement avec elles. Il fallait assister à ces interminables soirs dans le salon qu’Allan passait à marcher mélancoliquement de long en large, madame de Scudemor à lisser ses cheveux sur sa