Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/140

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on sait aimer. Tout ce que j’ai pensé et désiré s’est donc accompli, mon cher Raimbaud, et pour vous comme pour moi, il vaut mieux qu’il en soit ainsi qu’autrement.

« Mais, dites-moi, le bonheur que vous donne Mme d’Anglure est donc bien grand et bien nouveau, pour que vous n’alliez plus chez personne et pour que vous ayez presque cessé de venir chez moi, qui suis, comme vous le savez, votre amie, et à qui vous avez juré que, quoi qu’il arrive, nous ne nous brouillerons jamais ? On raconte que vous vous consacrez à Mme d’Anglure avec un abandon de dévouement plus grand encore que dans les premiers moments de cette intimité qui édifie les cœurs fidèles. Moi, je réponds à cela que Mme d’Anglure est souffrante, ce qui rehausse le mérite de votre dévouement. Cependant, si cette souffrance n’est pas de nature à empêcher Mme d’Anglure de sortir, et que ce ne soit pas une jalousie (bien aveugle sans doute) qui l’éloigne de sa confidente d’autrefois, je voudrais bien l’avoir à dîner avec vous lundi prochain. Je viens de lui écrire un mot à ce sujet. Tâchez de me l’amener, mon cher Raimbaud, car je n’entends point séparer, fût-ce pour un moment, ceux que Dieu a si bien unis.

« Bérangère »

Faut-il ajouter que la lecture de ce persiflage fit à M. de Maulévrier un effet pareil à ces soufflets donnés par Suzanne, qui comblaient de bonheur Figaro ?… Il se crut à la veille du