Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/171

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Mais elle ne vit rien. Ce jour-là, et depuis, elle employa toutes les subtilités de son esprit, toutes les grâces de sa manière, toutes les ressources de son génie, tous les artifices de ses négligés du matin, toutes les ivresses d’un abandon téméraire, toutes les légèretés de flamme qui, dans le tête-à-tête, ressemblent à des caresses positives : M. de Maulévrier ne démentit point sa parole. Elle ne le troubla plus. Il jouit de tout cela comme un peintre ; il en jouit aussi comme un fat ; mais l’amant évanoui ne reparut pas. Elle l’avait fatigué en trompant ses désirs sans cesse, en flétrissant un à un tous les espoirs qu’il s’était créés ; elle aurait lassé une âme de bronze, une âme romaine, et lui, comme elle, ne pouvait ressentir que l’amour comme le monde l’a fait. Parfois, en la voyant tout risquer pour reconquérir sa conquête perdue, l’idée lui vint de profiter, dans les intérêts les moins distingués, des dangers auxquels elle s’exposait. Mais il était mieux qu’un fat vulgaire ; il avait son orgueil vis-à-vis d’elle ; et il ne voulait pas qu’elle pût interpréter comme un reste d’amour encore la tentative d’une possession que peut-être elle eût de nouveau disputée, s’il avait essayé d’y revenir.

Bientôt, comme il s’était lassé de l’aimer pour rien, elle se lassa de vouloir faire revivre un amour qui n’existait plus.