Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/85

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flamboyante. D’un autre côté, comme il y a toujours un peu de lâcheté dans les meilleurs sentiments d’une femme, peut-être Mme de Gesvres avait-elle compris que jouer plus longtemps au sphinx avec Maulévrier était risquer imprudemment ce qu’elle appelait, avec une hypocrisie mélancolique, sa dernière conquête. Ainsi, vanité, compassion secrète, amour, ou du moins le désir de l’amour, que M. de Maulévrier lui avait fait retrouver dans l’abîme d’ennui où elle se traînait, tout, jusqu’à la pluie qui se mit à tomber, — et qui ne sait l’influence de la pluie et du beau temps sur les résolutions et la moralité des femmes ? — tout lui fut une loi d’abandonner une coquetterie qui avait servi, sans nul doute, à cacher des sentiments plus profonds.

Un jour donc que, dans l’impossibilité de sortir, elle n’avait pour toute ressource contre l’ennui, le vrai vampire des femmes du monde, que ses réflexions qui ne savaient pas l’en défendre, et une broderie qui n’avançait pas beaucoup dans ses mains hautaines, elle se mit à tirer les lettres de M. de Maulévrier du mystérieux coffret où elle les avait ensevelies, et où étaient venues s’engloutir, dans du satin rose et sans espérance, tant de lettres d’amour depuis dix années : sépulcre parfumé dont le temps, hélas ! allait bientôt sceller la pierre.

Ces lettres qu’elle relut l’amenèrent tout dou-