Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/86

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à la confiance, car voici, quand elle les eut lues, ce qu’elle écrivit :

« Non, je n’ai pas d’amour pour vous, mon ami, et pourtant j’ai besoin et désir de vous voir. Je suis froide, c’est la vérité ; et pourtant vous me faites éprouver une émotion inconnue lorsque vous brûlez ma froideur sous vos transports. Je n’ai jamais été ainsi, même avec la personne que j’ai le plus aimée… Il n’y a rien de véritablement intime entre nous, dites-vous ; et pourtant j’ai eu tout de suite confiance en votre caractère, si ce n’est dans votre affection que vous m’avez niée si longtemps. Rappelez-vous tout ce que vous m’avez dit ; jugez si je puis avoir la foi qu’il faudrait pour me faire devenir ce que… je ne suis pas encore. Si vous tenez à ce changement aussi véritablement que vous le dites, ne vous repentez pas de m’avoir ouvert votre cœur. La crainte de vous voir trop souffrir pourrait seule l’emporter sur ma rebelle nature. Si vous saviez comme je vous serais reconnaissante de bannir de mon âme la défiance qui fait ma réserve ! Trompée, toujours trompée, dupe sans cesse ! jugeant toujours les autres d’après ce que j’éprouvais. Et ne m’accusez pas de mensonge ; quand j’ai le plus aimé, j’ai toujours gardé au fond de mon cœur les expressions qui eussent pu faire croire à une exagération que je redoutais plus que tout au monde. Adieu ; voilà de la confiance. J’espère que vous ne vous plaindrez pas ce soir comme hier de ma réserve. Venez, venez, je vous attends. »

« Bérangère »