Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/118

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croire que ce soient là de véritables marques de coups de fusil tirés par les hommes. Si le diable en a une fabrique dans l’arsenal de son enfer, ils doivent marquer comme cela ceux qu’ils atteignent et qu’ils ne couchent pas à tout jamais sur le carreau. Au demeurant, il a plus l’air d’un soldat que d’un prêtre, ce capuchon-là ! Je l’ai vu samedi, vers quatre heures de relevée, qui galopait dans le chemin qui est sous la Chesnaie Centsous, un chemin de perdition où verse plus d’une paire de charrettes par hiver ; il montait une pouliche qui semblait avoir le feu sous le ventre. Par le flêt du démon ! je vous affie et certifie qu’il n’y avait pas dans toute l’armée de Hollande, de l’époque où j’y étais, bien des douzaines de capitaines de dragons aussi crânement vissés que lui sur leur selle. »

Ceci se rapportait assez exactement à ce qu’avait dit Nônon Cocouan à Jeanne de l’arrivée du prêtre étranger chez M. le curé de Blanchelande. Mais, hors ce détail, les domestiques du Clos en savaient beaucoup moins long que Nônon sur le compte de cet abbé, dont la présence inattendue et la grandiose laideur avaient remué pourtant cette population, si peu extérieure, occupée de travail et de gain, fidèle à l’esprit de ses pères, dont l’ancien cri de guerre était : gainage ! lourde à soulever par conséquent, et qui n’a pas, comme les populations du Midi, de pente naturelle vers l’émotion et l’intérêt dramatique.

Or, il était dit que, ce soir-là, Jeanne ne pourrait se séparer de la pensée de l’être funeste qu’elle avait vu sous ces vêtements de prêtre, si peu faits pour lui. Elle la repoussait comme une obsession fatidique, et