Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/168

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apporté au presbytère, et m’est avis que les pouvoirs, s’ils étaient remis à M. l’abbé de la Croix-Jugan, passeraient par les mains de M. le curé de Blanchelande. Il n’y a pas là-dessus la seule difficulté ! »

Et Barbe se rengorgea sur ce mot, pris au vicaire de la paroisse, qui le bredouillait et en fermait toutes ses démonstrations en chaire quand la difficulté qu’il niait commençait de lui apparaître.

« C’est drôle, alors ! — fit Nônon, marchant de concert avec Barbe et comme se parlant à elle-même.

— Qui ? drôle ? — repartit Barbe curieuse, avec un filet de vinaigre rosat dans la voix.

— C’est que, — dit Nônon en se rapprochant comme si les haies des deux bords du chemin avaient eu des oreilles, — c’est que j’ai vu, il n’y a qu’un moment, maîtresse Le Hardouey, qui n’était point dans son banc pendant qu’on a chanté Ténèbres, se glisser dans la sacristie, et je suis sûre et certaine qu’il n’y avait dans la sacristie que M. l’abbé de la Croix-Jugan.

— Vous vous serez trompée, ma fille, — répondit Barbe compendieusement et les yeux baissés avec discrétion.

— Nenni, — fit Nônon, — je l’ai parfaitement vue, et comme je vous vois, Barbe. J’étais toute seule dans la nef, et ce qui est resté de monde après Ténèbres priait au sépulcre. Les deux confessionnaux de la chapelle de la Vierge et du bas de l’église étaient pleins. Vous savez qu’il y en a un autre tout vermoulu auprès des fonts, qui servait dans le temps à feu le vieux curé de Neufmesnil quand il venait confesser ses pratiques à