d’un tel pas et pourrait bien chercher sa route encore demain matin au lever du soleil, c’est-à-dire en pleine matinée, car le soleil commence d’être tardif dans cette arrière-saison. »
Je le remerciai de sa politesse et j’acceptai sa proposition de grand cœur. Il y avait dans les manières, la voix, le regard de cet homme quelque chose qui attirait et qui eût forcé la confiance. Quoiqu’il fût Normand, son visage avisé n’était pas rusé. Il était presque aussi noir qu’un morceau de pain de sarrasin ; mais, si tanné qu’il fût par le soleil et les fatigues, il avait aussi les couleurs de la santé et de la force. Il respirait la sécurité audacieuse d’un homme toujours par monts et par vaux, comme il l’était par le fait de ses occupations et de son commerce, et qui, comme les chevaliers d’autrefois, ne devait compter, pour sortir de bien des embarras et de bien des difficultés, que sur sa vigueur et sur sa bravoure personnelle.
L’accent de son pays, que j’ai dit qu’il avait, n’était pas prononcé et presque barbare comme celui de la vieille hôtesse du Taureau rouge. Il était ce qu’il devait être dans la bouche d’un homme qui, comme lui, voyageait et hantait les villes… Seulement, cet accent donnait à ce qu’il disait un goût relevé de terroir, et il allait si bien à tout l’ensemble de sa vie et de sa personne que, s’il ne l’avait pas eu, il lui aurait manqué quelque chose. Je lui dis franchement combien je m’estimais heureux de l’avoir pour compagnon de route.
« Et, — ajoutai-je, — puisque vous parlez de