Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes ces affreusetés qu’on avait traînées sur la renommée de ce prêtre et de Jeanne Le Hardouey. Sans doute qu’il était damné, mais il souffrait à faire pitié au démon lui-même. Vère ! par saint Paterne, évêque d’Avranches, c’était pis pour lui que l’enfer, c’te messe qu’il s’entêtait à achever et qui lui tournait dans la mémoire et sur les lèvres ! Il en avait comme une manière de sueur de sang mêlée à ses larmes qui ruisselaient, éclairées par les cierges, sur sa face et presque sur sa poitrine, comme du plomb dans la rigole d’un moule à balles ou du vitriol. Quand je vous dirais qu’il recommença pus de vingt fois c’te messe impossible, j’ ne vous mentirais pas. Il s’y épuisait. Il en avait la broue à la bouche comme un homme qui tombe de haut mal ; mais il ne tombait pas, il restait droit. Il priait toujours, mais il brouillait toujours sa messe, et, de temps en temps, il tordait ses bras au-dessus de sa tête et les dressait vers le tabernacle comme deux tenailles, comme s’il eût demandé grâce à un Dieu irrité qui n’écoutait pas !

« J’étais si appréhendé par un tel spectacle que je ne m’en allai point. J’oubliai tout, ma femme qui attendait, l’heure qu’il était, et je restai collé à ce portail jusqu’au jour… Car il n’y eut qu’au jour où ce terrible diseur de messe rentra dans la sacristie, toujours pleurant, et sans avoir jamais pu aller plus loin que la Consécration… Les portes de la sacristie s’ouvrirent d’elles-mêmes devant lui, en tournant lentement sur leurs gonds, comme s’ils avaient été de laine huilée… Les cierges s’éteignirent, comme