Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

discours, son action, sa manière de les supplier ! Mais tout fut vain.

« Te tairas-tu, brigande ! — fit l’un d’eux en lui envoyant un coup de crosse de son fusil dans les reins.

— Empare-toi de cette vieille sorcière, Sans-Façon, reprit le sergent, — et fais-lui un bâillon de la poignée de ton sabre pour qu’elle ne trouble pas les délibérations du conseil de guerre par ses cris ! »

Mais la femme du peuple, qui ne craint pas sa peine, et qui sait mettre, comme on dit, la main à la pâte, eut en Marie Hecquet un dernier mouvement d’énergie, trahi, hélas ! par la vieillesse. Quand elle vit venir le Bleu à elle, elle voulut prendre un tison allumé dans l’âtre, pour se défendre contre l’outrageante agression, mais, avant qu’elle eût pu saisir l’arme qu’elle cherchait, il l’avait déjà terrassée, et il la contenait.

« Maintenant, citoyens, — dit le sergent, — délibérons. »

Et ils délibérèrent. Dix genres de mort différente furent proposés ; dix affreuses variétés du martyre !

La plume se refuse à tracer ce chaos de pensées de bourreaux en délire, ce casse-tête de propositions effroyables qui se mêlèrent en s’entrechoquant. Le chef de ces bandits eut le dégoût de la hideuse verve et de l’anarchie de son conseil, où, comme dans tout conseil, chaque avis voulait prévaloir.

« Nous sommes des imbéciles ! — cria-t-il en fermant la discussion par un coup de poing sur la table. — Tout considéré, je n’ai jamais été d’avis de tuer ce Chouan, qui, dans l’état où il est, serait trop