Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/72

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paroles. Elle se plaça devant l’artiste, et, lui attachant son regard au front : — Réginald, — continua-t-elle après une pause, — Réginald, vous aimez Léa. »

Pourquoi haïssons-nous de dévoiler le fond de nos cœurs ? Pourquoi dissimulons-nous une magnifique passion, un amour sublime, comme si c’était un forfait ? Une pensée, un instinct, rapide comme l’éclair, sillonna l’esprit de Réginald : ce fut de nier son malheureux et fol amour. Mais, il l’avait dit à Léa, il souffrait depuis si longtemps, et quand le cœur est gros de larmes, elles montent si promptement aux paupières qu’il est impossible à un pauvre être humain de les empêcher de couler. — Il se cacha la figure dans les deux mains.

Mais elle lui prit ces mains qu’il pressait avec force contre son visage en pleurs, et les écartant de ce front, que des sanglots dévorés avaient teint d’une rougeur subite :

« Oui, vous l’aimez, malheureux, — ajouta-t-elle ; — vous n’avez pas besoin de répondre, c’est écrit dans ces larmes que voilà ! Ah ! je ne vous ferai point de reproches ; vous n’êtes qu’à plaindre, mon ami. Mais vous qui avez vécu dans le monde, vous qui avez connu mille femmes plus séduisantes que Léa, qu’une