Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/283

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force à creuser un sentiment, fait d’autant de raison que d’enthousiasme, le plus beau des sentiments dans la hiérarchie des sentiments de nos âmes, après le sentiment religieux ! Bluet d’intelligence elle-même, qui s’effeuille et se perd dans je ne sais quelle métaphysiquette de sentiments, car il faut employer les diminutifs pour parler convenablement du Bluet, de ce livre où tout est petit et qui, sans jouer sur les mots, n’est rien, après tout, qu’une bluette !

Quand il parut, c’est ainsi que je le traitai, en n’en parlant pas, je le traitai comme une chose légère et manquée… manquée par une femme, jolie peut-être, et qui, si elle est jolie, n’a pas besoin d’être bas-bleu… Je laissai les galantins de la Critique se ruer aux compliments, selon leur usage, dès que la moindre femme écrit la moindre chose ; et elle, je la laissai aussi faire sa compote de tous leurs compliments, entassés à la fin de son volume. C’était innocent…… Mais aujourd’hui, c’est une autre affaire, Mme Gustave Haller publie un second livre. Le premier pouvait être un caprice, le second est une menace. Ce livre est même plus gros, plus long, plus lourd, et à plus grandes prétentions que le premier. Mme Gustave Haller n’est plus une jolie femme, qui a voulu changer de succès et qui a jeté, avec une grâce impertinente, au nez du public, un petit livre auquel elle ne pense déjà plus. Non, elle ne se joue plus de nous. Elle est sérieuse. Elle croit en Elle. La voilà qui s’établit définitivement bas-bleu. Elle ouvre boutique de littérature, et volontairement elle se place sous la coupe de la Critique, de celle-là qui n’est pas galante, et qui pourrait bien couper…


II


Vertu. Ce titre abstrait est un roman encore, il est dédié à Mme Sand, ce qui inquiète…, et il porte sur sa