illimitée. En France enfin, le pays des railleurs, où, « les torrents » de madame Guyon ne s’étaient pas écoulés sans laisser les fanges molles et chaudes du Quiétisme au fond de bien des âmes, les dispositions à une mysticité sans guide et sans appui étaient si grandes, que l’odieux jansénisme même, cette froide chose, arrivait aussi au mysticisme, non par la tendresse, mais par l’orgueil… Tel était en réalité le dix-huitième siècle quand y apparut Saint-Martin.
Il ne fit aucun fracas tout d’abord, pas plus que depuis. C’était une intelligence recueillie, une espèce de sensitive de la pensée qui fleurissait pudiquement dans la solitude, la méditation et le mystère, et qui se rétractait avec trouble et presque honteusement sous le doigt si souvent familier, maladroit ou brutal, de la publicité. S’il eut des lueurs, — comme dit Madame de Staël, — il eut plus de parfums encore, et c’est qu’il est des fleurs dont le calice, à certains moments, semble verser de la lumière. Fleur rêveuse de mysticité, il ressemblait à une de ces fraxinèles, à une de ces capucines, timidement phosphorescentes comme on en trouve parfois le soir sur les murs disjoints des vieilles chapelles. Pénétré, dès sa jeunesse, des influences fatalement mystiques d’une société qui, comme le dit excellemment M. Caro, ne pouvait secouer le joug de ses croyances que pour tomber sous le joug de ses illusions, il ne monta point sur l’horizon intellectuel de son temps, comme un astre plein de puissance, mais il s’y coula furtivement, comme un rayon qui s’égare. Son nom même, il ne le donna point à la secte qu’il allait créer. Il le trouva et il le prit. Les Martinistes, chose singulière ! existaient avant