Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/150

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pur de l’idéal (par exemple, Benjamin Constant, qui filtrait son eau du Rhin avant de la boire, était trop spirituel et trop Français, lui ! pour nous parler de l’idéal ailleurs que dans un roman), la religion pose par sa base sur le sol mouvant des choses humaines et participe à ce qu’elles ont d’instable et de défectueux » ; et plus bas : « Éternellement sacrées dans leur esprit, les religions ne peuvent l’être également dans leurs formes… » Selon M. Renan, l’humanité a le sentiment religieux ou le sentiment du surnaturel, plus fort ici que là, dans certaines races que dans certaines autres, mais elle l’a incontestablement. C’est un fait presque physiologique, tant il est visible et impossible à rejeter ! Seulement, les formes à travers lesquelles ce fait s’exprime sont plus ou moins menteuses, vieillies et tombées, et elles tomberont toutes de plus en plus, jusqu’au jour où l’humanité arrivera à la culture de l’idéal pour l’idéal, si elle y arrive ! car l’humanité aura toujours besoin de symbolisme. La religion de M. Renan n’est guère bonne que pour des mandarins et des savants, et il en convient de bonne grâce. « Dites aux simples, dit-il de son ton protecteur, de vivre d’aspiration à la vérité, à la beauté, à la bonté morale, ces mots n’auront pour eux aucun sens. Dites-leur d’aimer Dieu, de ne pas offenser Dieu, ils vous comprendront à merveille. Dieu, Providence, immortalité, autant de bons vieux mots un peu lourds que la philosophie interprétera dans des sens de plus en plus raffinés, mais qu’elle ne remplacera pas avec avantage. » L’aveu est toujours bon à enregistrer ; mais qu’importent les simples ! M. Renan est l’aristocrate de la science. C’est lui qui a