Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/151

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osé écrire : « II ne faut pas sacrifier à Dieu nos instincts scientifiques. » Après cela, vous comprenez très bien le charmant détour que l’auteur des Études a pris ou l’immense illusion dont il est la dupe. Quand on a déporté Dieu dans les culs de basse-fosse de l’intelligence, on se lave les mains et on affirme que l’on n’a rien fait contre lui.

Voilà pourtant le système de M. Renan, voilà le dessous de ce traité du Prince, qui a la prétention d’être si profond contre les religions en général et le christianisme en particulier. A ne prendre la chose qu’à son point de vue exclusivement philosophique, une thèse pareille, dangereuse par cela seul qu’elle est compréhensible aux intelligences les plus basses, n’est, après tout, qu’une pauvreté. Benjamin Constant, qui n’avait pas dans ses livres le merveilleux esprit qu’il avait de plain-pied dans la vie, l’avait en vain revêtue de ces formes les plus sveltes et les plus clairement brillantes que l’on eût vues depuis Voltaire ; elle n’en était pas moins tombée dans l’oubli avec le silence des choses légères, car il faut de la consistance pour, même en tombant, retentir ! M. Ernest Renan, érudit, philologue, chercheur, d’une vaste lecture, mais comme tous les hommes, la créature d’une philosophie, l’instrument de deux ou trois idées métaphysiques que nous acceptons ou que nous subissons, mais qui nous tyrannisent et ne nous lâchent jamais quand elles nous ont pris, M. Renan n’a rien ajouté à cette vue première, à cette piètre généralité dont il n’a pas caché le néant sous les applications historiques qu’il en a faites. Ces applications, — il faut bien le dire, — n’ont point, malgré les efforts de l’