Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/165

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VI

On sait ce qu’affirme Moïse. Dans le récit qu’il nous a laissé, on voit Adam et Ève vis-à-vis de leur destinée tomber dans la chute et se faire les éducateurs du genre humain, qu’ils ont précipité avec eux. C’est là une assertion nette, tranchée et puissante. Le bon sens, quand on l’articule, ne gémit pas déconcerté. Les expressions de Moïse sont pleines et précieuses. Puisqu’il s’agit de son langage, « l’univers, dit-il avec son tour approprié et sublime, fut fait d’une seule lèvre. » Ce que dit historiquement le grand Révélateur, la petite révélation du sens le plus infime le répète avec une force inouïe dans la conscience du genre humain. La société a préexisté à l’homme, Dieu à la société, et comme il leur préexistait, il les a constitués par le langage, cette condition sine quà non de tous nos développements en tous genres, sans laquelle l’esprit de l’homme avorterait. Ces simples et fortes notions, que le dix-huitième siècle avait troublées, furent reprises au commencement du dix-neuvième, et posées comme bases d’un système auquel le génie de M. de Bonald donna de sa propre solidité. M. Renan, qui trouve également éloignés d’une explication scientifique le système du caprice individuel et des onomatopées de la brute, qui fut la toquade du dix-huitième siècle, et le système religieux que nous venons de signaler, à donné le sien à