Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/208

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poëte de la peur qui a écrit ce grand mot caractéristique de son âme : « Le silence des astres m’épouvante ! » C’est un poète qui a dévoré, dans sa flamme, le géomètre, le philosophe, et même le sceptique qui était en lui, et de cette cendre il a fait jaillir sa poésie ! Poésie naïve s’il en fut, celle-là, car elle ne se sait pas poésie, et quand elle le saurait, elle ne s’en soucierait pas ! Chose prodigieuse ! dans une doctrine qui touche par un seul point à celle de Calvin, mais qui y touche, Pascal a su être un grand poète. Or le calvinisme éteint tout, excepté l’enfer. C’est la seule orthodoxie qu’il ait gardée. Eh bien ! l’enfer a été la source de la formidable poésie de Pascal. C’est par le sentiment, même quand il est inexprimé, de cette poésie terrible, plus que par sa roulette, plus que par un pamphlet toujours populaire, plus que par tout ce qu’il a fait jamais, qu’il est resté le dominateur des esprits, et même de ceux qui lui sont rebelles : car on a répondu, bien ou mal, à toutes ses raisons, et, malgré l’accablante expression de son génie, l’intelligence humaine n’est pas vaincue, mais ses sentiments emportent tout, et ceux-là qu’il n’a pu convaincre de ce qu’il croit, il les a emportés par la beauté de ce qu’il écrit, et ils conviennent qu’ils sont emportés ! Qui sait, du reste ? peut-être n’y a-t-il pas d’autre manière de mettre les pieds sur ces deux révoltés tenaces, le cœur de l’homme et son esprit !