Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/217

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comme il le devait, du reste, cette morale dont il a résolu d’écrire l’histoire. Il nous a donné son petit système, qui marche sur les trois roulettes que voici : les devoirs de l’homme envers lui-même d’abord (à tout seigneur tout honneur !) d’où la sagesse, — les devoirs de l’homme envers la société, d’où l’amour, — et les devoirs de la société envers chacun de ses membres, d’où le droit ! Est-ce net ? Est-ce peu compliqué ? Est-ce roulant ?… Une si jolie petite mécanique enfile l’esprit, comme une petite voiture enfile une allée de jardin !

De Dieu, pas un mot ! Des devoirs envers Dieu, pas l’ombre ! Allons donc ! pour qui nous prenez-vous ?… Le nom même de Dieu, ce diable de vieux mot qui embarbouille l’esprit et nuit à sa clarté suprême, M. Louis-Auguste Martin ne l’a pas même écrit, par distraction, une seule fois. M. Louis-Auguste Martin n’est pas un distrait. Il est à son affaire, et son affaire, c’est l’homme : la sagesse de l’homme, l’amour de l’homme, le droit de l’homme ! J’ai vu souvent de l’individualisme. Je n’en ai jamais vu d’aussi naïf et d’aussi gros dans sa naïveté. En vertu de toutes les raisons qu’il vient d’exposer, M. Martin demande pour l’homme une plus grande liberté, moins de pénalité, et, comme tous ces messieurs les philanthropes humanitaires, un petit paradis sur la terre. Nous connaissons cette ancienne guitare. On nous la racle depuis assez longtemps !

Tel est le système de M. Louis-Auguste Martin, l’auteur de plusieurs ouvrages que je n’ai pas lus, que je n’ai pas besoin de lire, celui-ci me suffisant pour juger l’homme qui doit être, j’en suis sûr, de la plus profonde