Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/346

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faire subir M. Enfantin. Le croirez-vous ? dans cette réponse, dont les conférences du P. Félix ne sont que le prétexte, M. Enfantin assimile, avec une perversion du sens intellectuel qui pourrait bien être une perversité, sa pensée à la pensée chrétienne.

Le Verbe a été fait chair, dit saint Jean, et il a habité parmi nous. Or, c’est en tordant ce texte sous une interprétation qui ment à nous ou à elle-même que le théologien du saint-simonisme essaie de nous faire accepter la divinité de la chair. « Cette divinité n’est plus dans l’hostie, — dit-il en commençant par un blasphème, — symbole, figure, mysticité ! Non, elle est sur les champs de bataille, couverts de frères blessés qui se sont égorgés entre eux… Elle est dans des bouges infects où l’homme meurt de douleur, de honte et de misère… elle est sur ces calvaires impies où l’homme condamne à mort son frère…. Elle est dans les ateliers où l’on travaille… dans les lupanars où la fille du peuple vend sa chair (bien portante) jusqu’à ce qu’on la jette pourrie à l’hôpital. Elle est en moi et dans l’homme du peuple, qui est l’Homme-Dieu du Golgotha… » Telle est l’énumération par laquelle M. Enfantin ouvre son livre ; et ces huit premiers paragraphes, dont nous abrégeons le contenu, tout en en signalant l’idée, contiennent l’essence de sa brochure.

La chair de l’homme dont la substance est dévorée par les maladies qui la mènent à la mort et la chair du Verbe prise par lui, le Verbe, dans des entrailles immaculées et dont la substance immortelle doit braver la mort et donner ici-bas un témoignage de puissance et de toute-puissance, par le fait éclatant de