Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/137

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René, mais dont M. Sainte-Beuve a fait Joseph Delorme par une transformation de génie, j’en entends l’accent affaibli, expirant, dans Les Consolations. Il y est toujours, cet accent d’une réalité qui palpite, et qui, en somme, n’a perdu que de son intensité, tandis qu’au contraire l’Augustin vrai que je cherche, l’Augustin dans lequel le poète veut fondre le René pour en faire un type inattendu, une autre création poétique vivante, je ne le vois pas. Je n’y vois qu’un Augustin de placage. Qu’il soit plus ou moins bien plaqué, ce n’est pas la question. Il s’agit de vérité, de profondeur humaine ; il ne s’agit pas d’habileté, d’art retors, savant, consommé, qui, d’ailleurs, à ce degré, n’y est pas non plus.

Le ton augustinien de cette préface n’est que l’imprégnement de la lecture des Confessions en un esprit qui cherche à réaliser son procédé poétique, comme il le dit un peu trop, avec des airs de littérateur à projets et à combinaisons, à la fin de ce petit traité de l’Amitié, qu’il achève par de… l’amour-propre d’auteur. Malheureusement Lamartine n’est pas saint Augustin, et c’est Lamartine qui emporte dans son grand fleuve de religiosité sentimentale et de vague christianisme le poète des Consolations. C’est un Lamartine, en effet, à plusieurs Elvires, et dont la chair veut chanter comme chantait l’âme de l’autre… Cependant il a des traits bien à lui et qui ne manquent pas de cette fougue qui, si elle durait, tacherait le mors de sang (comme dans la pièce à M. Viguier) :

Tous mes sens révoltés m’entraînaient plus rapides

Que le poulain fumant qui s’effraie et bondit,

Ou la mule sans frein d’un Absalon maudit !