Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/157

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D’où vient, qu’après avoir dormi sous les platanes,

Après avoir sur l’herbe épanché les flacons,

Puis être revenus, O brunes courtisanes,

En rapportant chez nous les fleurs de vos balcons, La tristesse nous prend comme fait la duègne

Qui de la jeune Inès s’en vient prendre la main,

Et que nous n’arrivons jamais au lendemain

Sans qu’aux pensers d’hier tout notre cœur ne saigne ? D’où vient qu’après avoir quitté vos bras charmants,

Et regagné l’alcôve à la tenture noire,

Nous regardons souvent, le crucifix d’ivoire,

Le front humide encor de vos embrassements ?

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Le christianisme ému et qui s’abat tant de fois dans son livre sur la pensée du poète devenue plus sérieuse et plus triste, et qui a été flagellé aussi comme le Sauveur, pourrait donner à M. de Beauvoir ce qui lui manque encore, ce christianisme plus écouté, plus accepté, plus appelé surtout ! … La Muse de M. de Beauvoir a plus d’un rapport avec une célèbre courtisane, restée sincère et tendre, malgré les dissipations de sa vie. Cette muse est une Madeleine après son péché et avant sa pénitence, mais elle a déjà les yeux sur le crucifix. Eh bien ! quand elle s’y couchera le cœur tout entier, nous aurons un Canova de la poésie… Le poète aura fait le beau mariage de la Grâce et de la Profondeur. Il faut bien que la Critique le dise aux poètes, puisqu’ils l’oublient aux tournants du siècle et dans l’ivresse égoïste de leurs facultés : hors du christianisme, il n’y a pas de poésie forte et profonde. Le Christianisme n’est pas seulement une