Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/199

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Ainsi, une œuvre supérieure dans un genre inférieur et borné, voilà le dernier mot à dire et la conclusion à tirer de ces Sonnets humouristiques qui classent d’emblée, du reste, M. Joséphin Soulary au premier rang dans cette École, aux préoccupations mauvaises, qui, confondant l’Art avec la Poésie, fait tenir, de préférence et de système, l’œuvre poétique dans la circonférence d’une médaille ou le tour d’une bague, encore plus étroit, et s’imagine que le fini du détail répond à toutes les exigences. Cette conception matérielle et grossière, malgré les raffinements sous lesquels on la dissimule, peut-elle et doit-elle asservir pour jamais une intelligence douée, comme celle de M. Soulary, des plus précieuses facultés poétiques et pour laquelle la Volonté et son effort ont remplacé, dans une époque de décadence littéraire, la naïveté grandiose de l’Inspiration ? En vérité, quand on lit quelques-uns des sonnets du recueil qu’il publie aujourd’hui, on se dit que l’Inspiré doit être bien près du Volontaire dans le nouveau poète qui vient de nous naître, et que le souffle sacré, — qu’on a ou qu’on n’a pas, mais qu’aucun travail ne donne quand il manque, — doit reposer en puissance, dans l’homme qui a écrit des vers comme ceux-ci, en attendant l’heure des œuvres vastes :

TOI, MOI.

Toi ! moi ! deux mots abstraits, deux volontés sans loi !

Qu’une accolade intime, un baiser, les unisse,

Et l’échange se fait, suave sacrifice ;

Et soudain nous vivons, toi dans moi, moi dans toi ! Chacun reçoit des deux, chacun donne de soi ;

Dans ce trait d’union Dieu lui-même se glisse !