Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vivre à sa place, — ni M. Hugo, l’Immortel de volonté poétique sur la tombe de la poésie morte, — personne n’a conduit la langue française et la langue poétique aussi loin que M. Amédée Pommier, dans ce livre singulier qu’il intitule Jeux de rimes et Colifichets !

Il avait toute sa vie assez montré ce qu’il pouvait faire dans l’ordre de la pensée poétique, et il y reviendra bientôt encore. Il montrera qu’il y a toujours, quand on est né poète, un bout de cœur à donner à l’éternel vautour. Mais aujourd’hui il s’est comme un peu détourné de lui-même ; il a plus songé à l’honneur de l’expression qu’à l’honneur de la pensée, ce vieux penseur, virtuose de l’expression aussi, et il a voulu montrer ce que la langue française, notre adorable langue française, insultée par des prosateurs qui l’appellent une gueuse fière parce qu’ils sont indigents, eux, et par des étrangers qui ne la savent pas, pouvait devenir dans les mains d’un homme qui la sait et qui l’aime. Voilà pourquoi il a écrit ce prodigieux volume de vers où tout est tenté comme témérité d’expression, et où rien n’a été impossible. Dites-vous-le bien, le livre d’aujourd’hui de M. Amédée Pommier est une orgie de langue française, mais une orgie où l’ébriété qui se permet tout ne cesse pas un instant d’être gracieuse et toute-puissante. M. Amédée Pommier, qui fut toujours un esprit outré, comme disent les esprits modestes, qui ont de bonnes raisons pour l’être, le rappelle en des vers excellents, dans son ancienne manière connue, d’une bonhomie comique et mordante :