Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/291

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Telle, mais d’un effort certain,

La prudente locomotive

Vers le but encore lointain

Ralentit sa force captive

Et ne l’arrête pas soudain !

Nous avons déjà parlé de disques. En voilà un ! Est-il assez plein, assez rond, assez léger ? et l’or dont il est fait, car c’est un disque d’or, est-il assez pur ? … C’est mieux encore, du reste. C’est la poésie de la pensée, bien supérieure à toutes les ciselures… que nous ne méprisons pas et qui y sont, mais tellement légères qu’on n’en aperçoit le travail qu’à la réflexion. M. de Gères est un sculpteur par le souffle, pour ainsi dire, bien plus que par le pouce. Il a des mollesses de rhythme qui sont l’entente encore de la matière, car la fondre sous son haleine, est aussi difficile que de la faire saillir et de la dresser sous ses doigts ! Quant au sentiment qui ‘anime ce petit chef-d’œuvre de calme et de sérénité dans la tristesse, l’effet produit par la poésie est toujours relatif, mais je ne connais rien, pour mon compte, d’une plus grande puissance. On dirait la grâce d’une femme qui range les plis de sa robe pour mieux entrer dans son cercueil, et c’est mieux que cela ! Ranger sa robe en tombant comme la pudique romaine, c’est un geste de près… et ici c’est mourir de loin. Il n’y a pas ici qu’un geste fait par l’âme condamnée, il y en a plusieurs. Ils y sont tous. Le poète n’en a omis aucun.