Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/102

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d’autres choses de son vers ! llen joue, comme, un jour que je prends parfois pour un rêve, j’ai vu jouer du tambour de basque à une bohémienne. Le tambour de basque courait comme un rayon sonore autour de la danseuse, et l’on ne savait plus qui courait l’un après l’autre, de la danseuse ou du tambour. A cet égard, Victor Hugo est incomparable. Il est arrivé au point juste où l’instrumentiste et l’instrument se confondent, et la supériorité qu’il atteste est si grande que la Critique ne saurait croire qu’il put faire un progrès de plus, et que, pourtant, elle n’oserait l’affirmer !

Et ce que je dis là, je le dis, sans exception, pour toutes les Chansons des rues et des bois. L’inspiration en est fausse et monotone sous prétexte d’unité, et l’exécution, au point de vue des sentiments et des images, quoique puissante à beaucoup d’endroits, est très inférieure à celle d’un grand nombre de poésies de Hugo, mais pour le rythme et pour le vers, non ! C’est un ravissement perpétuel. Victor Hugo entasse des montagnes de grosses choses, d’énormités et de pathos, sur ce fil de la Vierge étincelant et flottant, et ce fil ne se rompt jamais et ne perd pas un seul instant de sa mollesse et de sa grâce. Le talent touche ici au miracle ! Seulement, cette supériorité, qu’il fallait bien signaler et que les raffinés parmi les connaisseurs apprécieront, sauvera-t-elle de l’indifférence générale ce petit recueil, bucolique de parti pris, écrit dans une bibliothèque, au pied d’un petit Parnasse en bronze