Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/114

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du Roi, demander nettement l’abolition de la Papauté, mais à la condition de faire une pension au Pape sur le patrimoine de Saint Pierre. Quand on lit cela dans l’Histoire, on trouve la chose impudente. Mais Victor Hugo n’a pas même la pudeur de cette impudence. Il ne voudrait pas, lui, de la pension de Pierre Dubois, et son Pape, dans sa fringale de pauvreté, mourrait de faim. Bonne manière de s’en débarrasser !

Et, de fait, si ce n’est pas là le sens réfléchi du Pape de Hugo, il n’en a plus aucun. Déclamation vide, si elle n’est pas d’intention empoisonnée. Alors, ce ne serait plus que l’occasion de suspendre ses grands et longs vers toujours prêts à couler, de les suspendre, ces girandoles ! à quelque chose. En général, tout est là pour les poètes : — faire des vers, n’importe sur quoi ! Mais il est d’une mélancolie plaisante de voir les vers grandiloquents de Hugo, que l’admiration de ce siècle appellerait volontiers Hugomagne, comme on dit : « Charlemagne », ne plus servir qu’à exprimer des idées que le chansonnier Béranger, ce polisson de France, qui, du moins, était gai, a exprimées d’une façon moins pleurarde, moins pompeuse et moins pédantesque. Au fond, c’est la même haine contre l’Église, c’est lemême désir scélérat de la voir détruite, et c’est surtout la même théologie. Béranger et Hugo sont des théologiens de la même force. Seulement, Béranger a le style de ses idées et Hugo n’a pas