Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/115

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le style des siennes, et rien n’est plus déplaisant que le contraste de la platitude de ses idées avec la redondance de sa poésie… Rien de plus choquant que de voir ce diable de grand vers dont personne ne nie que Hugo ait la puissance, et qui ne devrait dire que des choses proportionnées à sa grandeur, ne débagouler que des choses ineptes et vulgaires sur l’une des plus grandes questions (si ce n’est la plus grande) qui puisse occuper l’humanité.

Mais ne vous y trompez pas, cependant ! C’est précisément la vulgarité de ces idées qui fait, s’il y en a un, le danger de ce benêt de poème… car, il faut bien l’avouer entre nous, il est un peu benêt. Vulgarité et Popularité s’engendrent toujours. C’est cette manière raccourcie de comprendre l’Histoire religieuse, la même dans Hugo que dans Béranger.qui convient aux bourgeois, les dominateurs de l’opinion, je le crains, encore pour longtemps. Ce n’est pas chez les démocrates ardents de son parti, qui couperaient le cou au Pape aussi facilement qu’ils lui voleraient sa couronne, que Hugo pouvait avoir son succès. Ils haussent les épaules et ils rient de ce vieux bonhomme qui n’a pas pu laver son génie des souillures immortelles que le Christianisme y a laissées ; car Hugo se sert contre le Christianisme d’un langage que le Christianisme a fait. C’est exclusivement chez les bourgeois qu’il aura l’honneur du triomphe. S’il y a, en effet, une idée qui chausse la médiocrité des bourgeois, c’est l’idée absurde