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IV

A l’imitation de Stace, Auguste Barbier a donné assez pédantesquement le nom de Silves à ce plus récent recueil, — qui sera le désespoir définitif de ceux qui ont aimé l’auteur des ïambes et qui le respectent pour tout ce qu’il a fait de vraiment beau. Les Silves sont non seulement un recueil de vers médiocres, mal faits et souvent d’une platitude suprême, mais de plus ce fut un affreux désastre pour le poète, atteint par cette publication jusque dans le passé de son génie. Ce qui avait, en effet, marqué le génie d’Auguste Barbier de ce grand et exceptionnel caractère sur lequel j’ai tant insisté, ce fut son éruption sans fumée, l’élancement si subitement pyramidal de la flamme du volcan vers le ciel ; ce fut, enfin, ce premier coup d’archet, sans prélude, sans agacement préalable d’aucune corde, qu’on appelle la Curée, et qui ne pouvait s’élever d’une note de plus sans faire voler l’instrument en éclats ! Si, avant de le donner, ce coup d’archet magistral et magique, le Paganini qui l’enlevait avec cette furie avait dû se faire fort par l’étude, les essais et les tâtonnements, le volume des