Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/243

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trente ans de vie poétique de la plus stricte unité, apparaît poète tout à coup dans un tout autre ordre de sentiments et d’idées, — et poète, certainement, comme, jusque-là, il ne l’avait jamais été !

Ce n’est pas là un rajeunissement. Non ! C’est une seconde vie… Nul épuisement n’était dans la première. Le phénix ne s’était pas brûlé sur le bûcher allumé par lui. Il ne renaissait pas de ses cendres. Ici, il n’y a pas de cendres, mais, à coup sûr, il y a phénix. Il y a une voix éclose dans une autre voix. Il y a une Muse qui ne descend pas du ciel, celle-là, mais qui sort du sang de la France et vient mettre sa pâle main divine et blessée sur l’épaule rose divine d’une autre Muse invulnérable. La Muse de M. de Banville, avant d’être deux, n’était qu’une, et c’était la plus lyrique, la plus fastueuse, la plus osée des fantaisies ! Elle étaitla Fantaisie, passionnée, gracieuse, amoureuse, voluptueuse, langoureuse, et quelquefois montant sur les ailes de toutes les couleurs de l’Hippogriffe, montant jusqu’au grandiose, —mais ce n’en était pas moins toujours.touj ours, la Fantaisie. M. Théodore de Banville, dont les Cariati