Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/275

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leur couleur, Barbier et Barthélemy sont nerveux et musclés comme les Esclaves de Michel-Ange. Eh bien, c’est ce muscle qu’Amédée Pommier a comme eux, et encore il l’a développé par la lutte avec les difficultés de la langue et du rythme, que personne n"a vaincues comme lui. Rappelez-vous l’Enfer, et Paris, oi les Colifichets (1).Seulement, BarthélemyetBarbier, ces Archiloques, sont des Tristes, des Violents, des Amers, et par ce côté-là ils sont plus romantiques que Pommier, qui, en revanche, mêle souvent à la vigueur de sa satire la vis comica de l’esprit gaulois.

Et, en effet, ces poètes, cette constellation dela Lyre de 1830, n’ont point le rire qu’avait le noir Shakespeare dans sa noire Angleterre, ni le rire autochtone de chez nous, fils de Rabelais, fils de Régnier, fils de Molière, fils de Voltaire, et même fils de Boileau, le raisonnable, qui ne riait pas aux éclats, mais qui riait. Victor Hugo ne l’a point, ce rire, qu’il veut avoir, pourtant, comme il veut avoir tout, mais qui lui manque comme la naïveté, cette indigence de son génie. De Vigny est un exquis pâle. Lamartine, un sentimental souvent faux, à travers quelques inspirations d’une passion sublime. Alfred de Musset, lui, n’a que le sourire, mais ce sourire-là est divin ! Seul, Amédée Pommier, de la même époque et de la même pléiade et qu’onpeut citer après eux, a le rire encore plus que

1. Voy. les Œuvres et les Hommes, IIIe vol. : Les Poètes.