Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/294

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car c’était pour elle le danger, nulle femme ne l’a avalée.

Elle est ici, et, je l’ai dit, non pas partout, mais à beaucoup de places, cette note triste qui s’en vient du fond de la gaieté comme un soupir impossible à étouffer. Le caractère du talent de Monselet est bien là. Ce qu’il est surtout, c’est dans beaucoup de viveur un peu de poète, mais ce peu de poète est si charmant qu’il fait pardonner au viveur. Monselet ne l’est pas, il est vrai, tout à fait à la façon de ce Beauvoir qu’il me rappelle. Il n’a ni le brio d’éblouissant mauvais sujet, ni la tournure, ni la fougue, ni l’élan du poète qui, parti de Cape et d’Épée, aboutit à Colombeset Couleuvres. Monselet est plus rassis, et d’un sybaritisme qui n’est pas celui de l’ardent et beau soupeur aux cheveux bouclés de la Maison-d’Or. Seulement, lui aussi, il y a soupé. Où n’a-t-il pas soupé ? Et il en rapporte des histoires comme celle qu’il a intitulée Clorinde :

C’était une petite blonde,

Née à seize ans et morte à vingt ;

et qui s’en est allée de la vie :

L’estomac ruiné do Champagne

Et le cœur abîmé d’amour.

Histoire vulgaire, poignante de réalité, et qui, sous sa plume, est devenue une poésie.

Dans ce recueil des Poésies complètes, les soupers,