Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/309

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de l’Art poétique, mais Boileau, le chantre coloré et chaud du Lutrin. Ce qui ne l’empêche pas, du reste, d’être lyrique et idéal, le poète du Dernier Chant, quand son âme s’émeut et s’élève. Sa Muse est née à la même place que la Muse d’Hégésippe Moreau, qui eut aussi l’impérissable accent gai au milieu de toutes les misères de sa vie. Seulement, la rose de Provins qui couronne la Muse de Saint-Maur n’est jamais tombée où celle d’Hégésippe, le Villon moderne, s’est quelquefois salie. Il l’a gardée dans un de ces vases « à corsage bleu » dont il nous parle en ses sonnets :

J’ai cueilli des sonnets, — belles fleurs de Tantale, —

J’ai fait luire une perle à leur triple pétale,

Mis à leur gorgerette un anneau de saphir.

Le vent n’est pas venu caresser leur poitrine,

L’abeille s’en détourne, et je les vois mourir

Dans le corsage bleu de mes vases de Chine !

Plus pur et plus heureux, Saint-Maur est, comme son compatriote, le pauvre Hégésippe, du pays où la poésie s’est appelée longtemps : « la gaie science ». C’est, de tempérament, un gai, que Saint-Maur, et c’est par là qu’il se sépare de son époque, qui est triste et où la comédie de bon sens et d’observation si française, présentement n’existe plus. Quoique appartenant par les dates à la première période du Romantisme, l’auteur du Dernier Chant est d’une constitution trop saine pour avoir gardé les morbidités et les désespérances de cette époque lacrymatoire. Assurément,