Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/310

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puisqu’il a vécu, il a eu, comme tout homme, ses raisons de pleurer, et même je lui en connais une qui a laissé une trace bien touchante dans les dernières pages de son volume (Date lilia ! ), mais il n’a jamais eu les tristesses voulues d’une époque aussi artificielle dans ce qu’elle appelait son inspiration que violente à froid dans ses procédés littéraires, et qui fit art jusque des larmes. Art facile, du reste ! Rien de moins difficile que de faire pleurer. Excepté les larmes que l’admiration fait couler, excepté celles de César devant la statue d’Alexandre, je méprise assez cette eau qui coule et je la laisse^couler… Saint Maur, qui est d’un naturel trop franc et trop à pleine main pour jamais rien affecter, tempère, sousledictame de son esprit, les tristesses qui sont le fonds commun de la misérable nature humaine. 11 est trop vivant et trop équilibré dans ses facultés, il est trop harmonieux en toutes choses, pour tomber dans cette mélancolie que SaintChrysostôme — gai lui-même comme un Saint et qui s’en moquait — appelait si joliment : « le bain du diable ». Le Romantisme, rectifié et purifié en lui par la plus charmante des natures, lui a laissé ce qu’il avait de bon : le sentiment de l’idéal, les tendresses vives ou rêveuses, les touches chrétiennes, ici et là, adorables à plusieurs places dans son livre (voir ses Fleurs de Missel), et la race de sonesprit a ajouté à tout cela la verve joyeuse, l’observation inattendue et piquante, la bonhomie et le comique enfin. Le comique,