Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/45

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autres éditeurs de Paris se convulsent, avec des mines d’épouvante comique, quand on leur propose un volume de vers. Ils en deviennent plus laids, mais plus drôles… Lemerre a l’impertinente originalité de publier des vers, et il pousse cette originalité jusqu’à la coquetterie. Il ne s’agit pas seulement pour lui des Parnassiens, cette école de poètes comme les Lakistes en Angleterre ; il s’agit de tous les genres de poètes, anciens et modernes. Il a réédité la Pléiade Françoise (du xvie siècle). Il prépare un Villon, un Régnier, un Racine, un La Fontaine, un Boileau. Déjà plusieurs volumes d’Agrippa d’Aubigné et de Molière ent paru, et voici un André Chénier comme on n’en avait pas trouvé dans les éditions antérieures, tant il est religieusement complet.

Et, qui sait ? il l’est peut-être trop… On a fait pour les œuvres poétiques d’André Chénier ce que l’on a fait pour le nom du poète. L’édition porte ce titre : Œuvres poétiques d’André DE Chénier… avec une notice de M. Gabriel de Chénier. Certainement, je comprends très bien que M. Gabriel de Chénier signe son nom, qui a l’honneur d’être noble, comme on le signe dans sa famille et comme il était écrit autrefois dans le Nobiliaire de France. Mais la Gloire a marqué de son pouce lumineux le nom d’André Chénier, et on ne touche pas à ce qu’a fait la Gloire ! André de Chénier étonne la bouche et le regard, et André Chénier restera toujours André Chénier