Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/46

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pour ceux qui prononceront son nom. Il n’y a pas plus d’André de Chénier qu’il n’y a de Napoléon de Bonaparte. C’est un DE de trop… De même, dans l’édition de ses œuvres poétiques, il y a trop de de aussi, c’est-à-dire trop de petits détails inutiles pour la Gloire, — pour la Gloire, qui n’agit pas comme l’avide peseur d’or fin qui en pèse jusqu’à la poussière. La gloire vraie y va de plus pleine main. Dans cette nouvelle édition, plus superstitieuse encore que religieuse en fait d’exactitude, on n’a pas uniquement ramassé tout ce qui est sorti de la plume du poète, mais même les choses raturées par sa plume. On n’a pas que balayé le sol autour des chefs-d’œuvre de ce limeur patient (il en était un), mais on l’a raclé pour avoir plus de sa limaille. On n’a oublié ni une rature, ni une surcharge, ni une virgule mise là plutôt qu’ici… On s’est livré au travail le plus minutieux, le plus microscopique, le plus patient, et à force de patience, le plus impatientant ! On aurait pu écrire : « Collationné par le bonhomme Job », et on l’aurait cru… Jamais l’admiration au regard enflammé et à l’enthousiasme aux grandes ailes, n’a mis plus de lunettes et n’est devenue plus cul-de-plomb pour chercher et voir de près les infiniments petits d’un ensemble assez beau pour les faire oublier.

On raconte que le prince de Ligne, l’élégant, le brillant, le fastueux, le spirituel prince de Ligne, fut attaqué, sur le tard de sa vie, de la maladie dont Sylia