Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/49

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La vie des poètes est rarement poétique. Ce qu’on n’en sait pas vaut toujours mieux que ce qu’on en sait :

Le poète est semblable aux oiseaux de passage,

Qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage,

Qui ne se posent point sur les rameaux des bois…

Ils passent en chantant loin des bords, et le monde

Ne connaît rien d’eux que leur voix !.

Tel est le poète. Le meilleur historien qu’il ait, c’est le Mystère, ce porteur de manteau noir. Le Mystère grandit jusqu’à Homère, qui n’a pourtant pas besoin d’être grandi, tant il est immense ! Qui était-il ? Étaitil un ? Etait-il plusieurs ? Ah ! il était plusieurs par le génie, mais ces imbécilles d’Allemands ont cru qu’il était plusieurs en réalité. André Chénier, prosaïsé dans la biographie de son parent, M. Gabriel de Chénier, lequel ne se doutait pas du tort qu’il fait à l’homme qu’il admire, tombe, dans son récit, au rang des hommes de lettres, des honnêtes gens de lettres du Xviiie siècle. C’est Lemierre, Delille ou Palissot. De Cygne de la mer Ëgée, il devient une fourmi d’érudit et de travailleur, tirant perpétuellement et péniblement son petit brin de paille, et c’est à navrer le cœur de tous ceux qui aiment les poètes, cela !

Voilà, en effet, le caractère de la notice que M. Gabriel de Chénier a consacrée à son glorieux parent. lia oublié que le mystère va bien aux poètes, ces dieux,