Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/50

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et que toute divinité est mystérieuse. La notice de M. de Chénier diminue poétiquement André, et l’intention n’est pourtant pas de le diminuer. Elle le diminue dans les faits de sa vie, qui sont honorables, oui ! mais, après tout, vulgaires, jusqu’au moment de l’échafaud, où son sang fit pourpre à son génie. On a comparé, pour l’éclat, l’écarlate au son de la trompette. Avant qu’André Chénier fût couvert de l’écarlate du sien, il n’était qu’un studieux jeune homme plongé dans les littératures grecque et latine, et cachant le poète dans la chrysalide de l’érudit Parmi les poètes, tout le monde n’est pas comme lord Byron et le Camoè’ns, dont les vies furent aussi poétiques que les œuvres. D’un autre côté, André Chénier, qui, de tempérament, n’avait pas la spontanéité de source et d’épanchement de Lamartine, par exemple, s’affinait poète avec lenteur dans des tentatives d’expression cent fois corrigées, et voilà pourquoi ce que la notice a fait pour l’homme, qu’elle ne grandit pas, les notes et notules dont cette nouvelle édition d’André Chénier est hérissée le font également pour le poète. Elles montrent trop — et fort inutilement — ses mille procédés de travail, et ces procédés de travail, bons comme toutes les méthodes qui sont relatives et personnelles, n’en sont pas moins chétifs et de nature à rabaisser l’idée qu’on a de son génie. Évidemment, encore une fois, ce n’est pas là le but que l’éditeur et l’écrivain de la notice ont voulu atteindre. Mais ils ont