Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/69

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troué dix-sept fois à la poitrine, et il aurait pu y être troue’e quarante, au jeu qu’il jouait, à cette époque inouïe où tous les hommes, jusqu’aux pâles mignons, semblaient amoureuxde la mort, et, comme des valets dans les bras de leurs maîtresses, faisaient les insolents avec elle ! Homme de camp, homme de cour, homme de temple, il était tout cela ensemble ou tour à tour. Henri IV, que, dans son histoire, il diminue pour rester vrai, l’aimait au point de vouloir le faire servir à ses vices et employer à ses amours, sachant que les femmes qui résistaient au roi ne résisteraient pas au poète, et qu’il les lui prendrait comme les forteresses. Mais il était trop fier faucon pour de telles chasses, et il resta ce que le pur et délicieux Joinville lui-même serait resté, si, par impossible, Saint-Louis eût été Henri IV. Qui sait, d’ailleurs ? il aurait peut-être recommencé avec Henri IV cette divine figure de Joinville, s’il n’eût pas été protestant. Le protestant ne saurait avoir la grâce que donne Jésus-Christ. Il a la rudesse âpre du Juif de la Bible. Il y eut longtemps de ce juif-là dans d’Aubigné, dur même quelquefois et intuitif comme un prophète, quand, par exemple, il sentait chanceler le protestantisme de son ami et de son maître. L’histoire n’a point oublié qu’il lui prédit le coup de couteau de la fin, ce providentiel coup de couteau qui frappa au ventre Henri III et Henri IV à la poitrine, marquant ainsi la différence des coupables par la différence du châtiment ! L’Histoire