Page:Barbey d’Aurevilly - Les Ridicules du temps, 1883, 3e éd.djvu/19

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mémoire, mais qui sera de prompt oubli, nous disait un jour, du haut de sa chaire, avec ses gestes de moulin à vent et ce large bec d’engoulevent qu’il avait, et qui n’a pas engoulé que du vent avec ses soixante mille livres de rente, ce bec de philosophe : « Messieurs, rien n’est plus tacile que d’être célèbre. Vous priez trois ou quatre de vos amis de vous faire une célébrité, et ils vous la font. » Il disait là, d’un mot, le secret de la comédie de la Critique. Il s’y connaissait, le vieux malin... mais il était indiscret. Sa nature était d’être indiscret et sonore. Ah ! les trois ou quatre amis de M. Cousin ! Qui ne les a pas, voyons! dans le journalisme contemporain, devenu à peu près toute la littéra- ture, et qui peut d’autant mieux se les faire, quand on ne les a pas, que tout homme littéraire étant, dans ce temps, plus ou moins journaliste, il peut un jour rendre très bien à son tour les services qu’il demande, et au même prix ! C’est ainsi que tacitement, ou même expressément, un traité de libre-échange est signé entre les francs-maçons du succès, et que l’opinion publique est pipée par ceux qui devraient l’éclairer ! Corruption générale, facile, amicale, naïve, dont personne n’a l’air de se douter (la gangrène ne fait pas de mal) et dont tout le monde est si profondément atteint que cela semble la vie naturelle, et qu’on va probablement se moquer de mon bégueulisme, parce que je me