Page:Barbey d’Aurevilly - Les Ridicules du temps, 1883, 3e éd.djvu/24

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ment avec la plume que vous avez, ne valent pas mieux, ne durent pas plus longtemps que le plus brillant des articles, météore d’un jour, allumé au- jourd’hui, éteint demain?... »

J’ai vu des rédacteurs en chef de journaux imposer à leur Critique, — c’était bien le leur, puisqu’il le souffrait, — le joug de leurs relations personnelles, à eux ! J’en ai vu un, — que je pourrais nommer, — qui, du temps de la Revue de Paris, de MM. Laurent Pichat et Ducamp, ne voulait pas qu’on dît du mal de cette revue, parce qu’on aurait pu supprimer l’envoi gratuit qui lui en était fait!... Et c’est de tels bâillons que la presse, qui se plaint des gouvernements, met, de ses mains indépen- dantes, à ses propres rédacteurs !

Profonde absence de moeurs littéraires ! Je l’ai dit : c’est parce que nous n’en avons plus, que nous souffrons ces despotiques indignités. Or, il faut bien le reconnaître, tout le temps que nous ne verrons pas, par exemple, un catholique comme lui faire le procès esthétique à M. Louis Veuillot, et un libre penseur à M. Renan, on pourra tenir pour certain que nous n’avons pas de mœurs littéraires, et que la Critique, étouffée dans les fanges molles et tièdes de ce temps pourri, sans passion pour le beau, jugé à peu près inutile, n’aura pas de raison pour exister.

Et qu’on ne s’y méprenne pas, je dis la Critique.